LES INTERROGATOIRES DE PIERRE LAVAL EN 1945 PAR LA COMMISSION D’INSTRUCTION DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Avant de m’inscrire au barreau, j’ai exercé la fonction de greffière d’instruction à la Haute Cour de justice, chargée de juger les dirigeants du gouvernement de Vichy.
J’ai eu ainsi l’opportunité d’approcher les principaux hommes politiques de la troisième république.
Outre quatre interrogatoires de Pierre Laval, j’ai assuré celui de Philippe Pétain, en séance plénière au fort de Montrouge, où ont été entendus comme témoins Messieurs Paul Reynaud, Edouard Daladier, Léon Blum, le général Gamelin, Yvon Delbos, … etc.
Parmi beaucoup d’autres, j’ai apprécié, pour des raisons diverses, entendre Jacques Benoist-Méchin, Xavier Vallat, le général Dentz et … Otto Abetz.
Agée à ce jour de presque quatre-vingt-dix ans, je suis certainement la dernière personne vivante à avoir approché ces personnalités, dont le sort fut tragique pour la plupart d’entre elles.
En ce qui concerne Pierre Laval, de nombreux ouvrages ont été publiés sur sa vie, ses fonctions au gouvernement, son action pendant l’occupation, son procès public et son exécution (qui a dépassé les limites de l’horreur) mais, à ce jour, les interrogatoires qu’il a subis devant la Commission d’instruction de la Haute Cour, c'est-à-dire avant le procès public, lorsque les juges d’instruction, assistés d’un greffier établissent le degré de culpabilité des personnes poursuivies par le parquet, ces interrogatoires sont restés dans l’ombre des Archives Nationales jusqu’en 2008 (frappés de l’interdiction légale de diffusion au public).
A l’aide d’une demande de dérogation, j’ai obtenu la photocopie de ces documents qui n’ont pas été publiés à ce jour.
C’est là, pourtant, que l’on peut mesurer la précarité de l’instruction menée par les juges dans cette affaire.
J’ai vu Pierre Laval comme une bête traquée déposant des notes pour compléter ce qu’il n’avait pas le temps d’exposer lors d’interrogatoires très limités. Il sentait qu’il était condamné d’avance sans pouvoir exposer ses moyens de défense.
Près de soixante ans après ces évènements, on estime que des éléments favorables auraient dû, au moins, lui éviter la peine de mort.
Mais que devient la justice en temps de guerre ?
Je me fais un devoir de publier ces interrogatoires (grâce à internet).
Ainsi, tout curieux, pourra se faire une opinion sur ces documents historiques, à ce jour inédits.
Nota :
Documents conservés aux Archives Nationales à Paris.
Clichés Atelier photographique des Archives Nationales.
La côte des documents est 3W.215.